Moins connu que d’autres régions de l’île de Beauté, le cap Corse vous offre ses paysages sauvages, une gastronomie aux parfums méditerranéens et de très belles rencontres. 

Avouons-le, ici, nous avons parfois pensé à Astérix en Corse… Les situations, les personnages hauts en couleur,les conversations, les comportements : on était bien chez les Corses, les vrais ! Ceux qui aiment leur île. À pleines dents, en l’occurrence, parce que ce sont tous des gourmands. Les voyages sont faits de rencontres et il relevait donc du hasard que nous croisions ou non le chemin de Jeanine, Daniel, Tonin… Nous les avions bien cherchés, cependant.

On les a donc trouvés, eux, les amoureux, les passionnés, l’huile d’olive coulant dans leurs veines, leurs yeux azurés comme la mer qu’ils admirent chaque matin. À 20, 30, 40, 50 ans, ils ne s’en lassent pas. Au jeu de la chance, ils ont tiré le bon numéro et ils le savent. Lorsqu’ils ouvrent leurs volets, ils s’émerveillent quotidiennement de la splendeur de cette « île de Beauté ». Une beauté sauvage, escarpée, et typiquement méditerranéenne, dans cette portion de terre cernée par la mer.

Des plats meilleurs que bons ! 

Le cap Corse est une des régions les plus préservées de l’île. Tout au nord, cette bande de terre ressemble à un index pointé vers le continent. Ça sent le maquis, les herbes mentholées, la népita, la marjolaine, le thym sauvage, la fleur de cédrat. Ça sent l’art de vivre aussi, les beignets de fromage, les cannellonis, le civet de sanglier, les légumes du jardin. « Tiens, vous goûterez bien à notre vin d’orange amère. Reprenez-en un peu. Asseyez vous donc. » Le soir se penche et on s’épanche à U San Martinu, chez Jeanine Villoresi, épaulée par son fils Pierre-Jean et sa belle-fille Marine. Tout le monde au coude-à-coude raconte un peu sa vie et dit finalement le bonheur d’être ici.

Le matin, à notre réveil, Jeanine est déjà en cuisine malgré la fatigue : plus de vingt couverts la veille au soir dans sa maison d’hôtes, et elle n’est pas du genre à s’économiser. Soupe corse de légumes et couenne de porc, aubergines frites avec une sauce tomate mes-enfants-vous allez-voir-ce-que-vous-allez-voir, crêpe à la farine de châtaigne farcie au brocciu et à la menthe, veau en sauce, les desserts, j’en passe et des meilleurs… Mais le petit déjeuner, c’est sacré, comme le dîner ou le déjeuner. « Je n’ai jamais acheté un croissant de ma vie. » Bénie soit Jeanine. Sur la table, les confitures, les canistrellis, les flans… C’était meilleur que bon !


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Contemplation et sérénité, à l’heure du retour de pêche, avec l’île d’Elbe à l’horizon.

Délices et saveurs de la mer

Après la montagne, la mer. Sur les conseils de notre hôte, on file voir Daniel, pêcheur de langoustes à Macinaggio. On arrive trop tard, il a tout vendu. Pour nous consoler, il nous confie qu’il appelle ses langoustes Grégoire. Quand le mystère est trop grand, on n’ose pas poser de questions. La langouste est la grande affaire du cap Corse. Les restaurants en ont fait leur fonds de commerce. Attention : polémique à l’horizon ! Et si les langoustes ne venaient pas toutes du coin ? C’est ce que semblent suggérer quelques restaurateurs locaux.

Comment les grandes institutions pourraient-elles servir autant de langoustes à l’année alors qu’on ne pêche pas la moitié de ce qui est cuisiné ? En effet… Mais oublions l’arithmétique. D’ailleurs, de langouste, nous n’en avons pas mangé. Nous lui avons préféré une cuisine de peu. Celle qui accommode les restes et qui, à défaut de denrées luxueuses, met du sentiment dans la casserole.

 

 

 

 

Des délices avec trois fois rien

Ah, la tourte aux herbes de Tonin, découverte à Macinaggio ! C’est trois fois rien, dit-il : des herbes sauvages – déjà ce n’est pas rien –, de l’huile et de la farine. Et le tour de main de Tonin, hérité de sa maman : la fameuse Jeanine. Idem pour les beignets au fromage. On les a tous goûtés. Dans les restaurants où ils étaient servis, on les a commandés. Ceux de Tonin et de sa fille Stella sont indépassables : une histoire de famille. Peut-être aussi parce que Tonin vous prend par l’épaule, vous parle des casse-croûte sous les chênes et les oliviers. « Vous voyez cette colline en face, j’y ai chassé le sanglier. »

Les tripettes de veau arrivent sur la table, il faut se ressaisir. On goûte, bien sûr, même si l’appétit n’en peut déjà plus. On continue avec le tiramisu à la châtaigne, le fiadone (tarte sucrée au brocciu), le pastizzu (gâteau de lait au pain)…  On sort de l’Osteria di U Portu en titubant et en faisant de grands gestes, façon moulin à vent, en guise d’au revoir.

Tout l’art de recevoir 

En arrivant à Sisco, il semble qu’on y a toujours été. Cette impression de déjà-vu, c’est bon signe, quand on se sent bien à peine arrivé. L’heure d’un nouveau repas est déjà là et, sur la table de la Stalla Sischese, déferlent les beignets de fromage, le veau en sauce, les haricots au figatellu… Ah, mais bien sûr, Raphaël Villoresi est lui aussi fils de Jeanine ! Même sans le savoir, on l’aurait deviné. Un petit air de famille dans la casserole. C’est quoi au juste ? L’envie de bien faire, de perpétuer la tradition dans sa plus belle expression. Loin des sempiternelles adresses qui se moquent du touriste, nous avons trouvé une famille qui tient à donner à goûter le meilleur d’une région qui semble être restée loin de tout sauf d’elle-même. Et c’est pour ça qu’on l’aime !

Texte Emmanuelle Jary. Photos Marie-José Jarry.

2 recettes pour mettre la Corse dans vos assiettes

Tarte aux herbes

Pour 4 personnes. Préparation : 45 min. Cuisson : 20 min.

1/2 botte de blettes, 3 poireaux, 5 oignons, 1 kg de farine, 1 verre d’huile d’olive, Sel et Poivre

  1. Mélangez la farine et l’huile d’olive jusqu’à obtenir une pâte.
  2. Faites fondre les légumes lavés et émincés dans un faitout avec le sel et le poivre.
  3. Étalez la pâte très finement. Disposez-la dans un plat à tarte. Ajoutez les légumes et recouvrez-les d’une deuxième couche de pâte. Fermez le tout en pinçant les bords.
  4. Faites cuire au four à 160 °C jusqu’à ce que la pâte se détache du moule.

Beignets de fromage

Pour 4 personnes. Préparation : 10 min. Cuisson : 2-3 min.

1 kg de farine, 1 litre de lait (plus 1 verre), 3 sachets de levure alsacienne, 1 fromage frais de brebis ou de chèvre, Huile de tournesol, Sel et Poivre

  1. Battez énergiquement la farine, le lait, la levure, le sel et le poivre.
  2. Coupez le fromage en dés. À l’aide de 2 cuillères à soupe, réalisez des beignets en incorporant les morceaux de fromage au milieu
  3. Faites-les dorer quelques minutes dans l’huile chaude et retournez-les. Placez-les sur un papier absorbant. Dégustez-les très chauds.

Recettes de Tonin Villaresi, maison d’hôtes A Casa di Babbo


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