Nature, architecture, gastronomie… Les vallées de l’Isle et de la Dronne dans le Périgord distillent leurs trésors tout au long de leurs rivières.

Autrefois l’Isle était une voie fluviale importante pour le commerce entre l’Atlantique et le Périgord », rappelle Marie-France Bunel, de l’office du tourisme, en nous guidant dans les ruelles pavées de Périgueux. Ce n’est pas pour rien que la cité gallo-romaine Vesunna – aujourd’hui le quartier sud de Périgueux – a été édifiée, il y a plus de 2 000 ans, dans la boucle de ce cours d’eau. Il en assurait la richesse avec le transport de l’huile et du vin et la protégeait en tant que rempart naturel.

Mais « la ville a oublié cela quand, dans les années 1950, elle lui a tourné le dos », ajoute-t-elle. Périgueux s’est depuis lors réconciliée avec sa rivière et c’est en rabaska, un large canot de quinze places, que nous remontons le courant, laissant derrière nous le pont des Barris (l’ancien pont coudé de Tournepiche), l’emblématique cathédrale Saint-Front et le rempart médiéval pour rejoindre la Guinguette de Barnabé. On venait danser le dimanche dans ce cabaret de faubourg aménagé dans les années 1930 par Léopold Foussard au bord de l’Isle. À partir de 1950, son minigolf, dont chaque trou représente un monument de la région, attire des générations de Périgourdins. Il a été entièrement restauré cet hiver et la guinguette Art déco est devenue une brasserie courue. Sa terrasse, l’une des rares à donner directement sur cette rivière que l’on peut dorénavant longer à vélo sur près de cent kilomètres, est prise d’assaut dès les beaux jours.

Les paysages du bord de l’Isle

Suivre cette route qui borde l’Isle offre un point de vue idéal sur les paysages mis en relief par les couleurs de fin d’été et les nombreux châteaux, églises et moulins posés sur les rives comme autant de vestiges d’une riche histoire. L’écluse du barrage de Mauriac par exemple, où il fait bon s’arrêter pique-niquer tout en admirant le château du même nom et ses jardins. Un peu plus loin, à Neuvic, l’Isle alimente les bassins d’élevage des esturgeons destinés à la production du caviar local. Pédagogique, la visite de ces installations permet aussi de goûter ce mets d’exception, dont quatre tonnes ont été commercialisées en 2017. Un peu plus loin sur la rivière, au moulin de la Veyssière, l’huile de noix et de noisette a remplacé la farine. Les minoteries, papeteries et fonderies alimentées par l’énergie hydroélectrique ont, quant à elles, peu à peu fermé leurs portes.


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De Brantôme jusqu’à sa confluence avec l’Isle, la Dronne a compté jusqu’à 108 moulins. Seuls quatre seraient encore en activité. À Ribérac, celui de la Pauze, exploité par la famille Mazeau depuis 1710, a cessé de fonctionner en 2013. Son propriétaire, Alain Mazeau, l’a transformé en écomusée qu’il fait visiter sur rendez-vous. L’ancien minotier y confectionne du pain tous les week-ends, dans la boulangerie artisanale qu’il a créée sur place. À quelques encablures, la Maison de la Dronne occupe un moulin à farine du xiie siècle qui a produit de l’électricité jusqu’en 1957. C’est désormais un point d’information touristique, point de départ de visites guidées et de promenades libres en barques.

De moulin en château

En remontant vers Brantôme, nous apercevons bientôt la fière silhouette du château de Bourdeilles qui domine la Dronne depuis son éperon rocheux. Il a longtemps contrôlé le seul passage possible entre Périgueux et Angoulême. Riche d’une collection de 700 meubles, il réunit un donjon octogonal et martial du xiiie siècle de 35 mètres de haut, et un délicat logis Renaissance. Ce dernier est l’oeuvre de Jacquette de Montbron, première femme architecte, proche de Catherine de Médicis.

Nous arrivons enfin à Brantôme. La Venise du Périgord, qui a vu le jour dans un méandre de la Dronne, est encerclée par un canal construit au xvie siècle, ce qui lui confère l’apparence d’une île. Au viiie siècle, les moines bénédictins se sont installés au pied de la falaise, dans des abris troglodytiques, afin de fonder une abbaye. Aujourd’hui, les cloches du plus ancien campanile de France rythment les balades en bateau. Alors que notre embarcation s’enfonce sous une végétation de plus en plus dense, nous repérons ici un martin pêcheur, là un héron. L’eau est filtrée par des plantes aquatiques. On s’y baigne aux beaux jours et on y pêche truites, gardons, brochets, anguilles et perches. Nous sommes aux portes du parc naturel du Limousin. Les vallées de l’Isle et de la Dronne, classées toutes deux sites Natura 2000, ont en commun un remarquable patrimoine historique mais aussi naturel, à découvrir le long de leurs rivières.


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Les bonnes adresses des vallées de l’Isle et de la Dronne

  • Caviar de Neuvic du domaine Huso. Lieu-dit La Grande Veyssière, 24190 Neuvic. www.caviar-de-neuvic.com Fruit d’une tradition ancienne, le caviar d’Aquitaine connaît un renouveau.
  • Le Moulin du Pont, Route de Grand-Brassac, 24350 Lisle. www.moulin-du-pont.com Dans ce moulin où farine et huile de noix
    furent fabriquées jusqu’en 1979, le chef Patrick Marty, membre des Toques du Périgord, sert les truites élevées par
    son père pisciculteur, au côté d’autres recettes traditionnelles, dont l’omelette aux cèpes, très attendue à l’automne.
  • Au fil de l’eau, Base nautique moulin de Sainte-Claire, 24000 Périgueux. www.perigueuxcanoe.org
  • Les Griffons Le Bourg, 24310 Bourdeilles.www.griffons.fr. Au pied du château, avec vue sur la Dronne, Catherine Brebant et Christophe Beaufaron ont réaménagé une bâtisse du xvie siècle

 Texte Patricia Marini. Photos Marie-José Jarry. Illustration Claudine Panagopoulos.