Fondée en 1867, la marque française Siegel & Stockman continue de fabriquer des bustes pour la haute couture et les vitrines de magasins grâce au savoir-faire artisanal qui a fait sa réputation.
Situé à Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, l’atelier Stockman est un enchantement à nul autre pareil. Quatre mille bustes d’atelier sortent chaque année de ce bâtiment au style industriel, où une vingtaine d’employés confectionnent la fine fleur des mannequins de couture. Dont les fameux modèles B406 et B497, aussi déclinés au masculin, très présents dans les ateliers de confection mondiaux. « 50 % de notre chiffre d’affaires se fait à l’export », explique Louis-Michel Deck, le directeur général. Pour répondre à la demande internationale, le panel des tailles est large. « En Asie, les 34 et 36 sont très demandés. À l’inverse de nos clients moyen-orientaux, qui recherchent davantage de grandes tailles, allant jusqu’au 60. » Bien que les silhouettes aient évolué au gré des morphologies et des attentes des couturiers, les gestes demeurent identiques depuis la création de la marque par Frédéric Stockman en 1867. Précurseur dans la fabrication de bustes aux gabarits préétablis, ce sculpteur, ancien élève de Lavigne, est aussi l’inventeur du buste en papier mâché permettant aux couturières d’épingler leurs confections. Très technique, la réalisation requiert neuf étapes de fabrication et mobilise cinq corps de métiers.
Des bustes écologiques
Au respect du savoir-faire ancien s’ajoute désormais une politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises). « Écoresponsables, nos bustes d’atelier sont dorénavant proposés en papier mâché recyclé et habillés de toile écrue en coton bio, tandis que les pieds sont en hêtre issu de forêts françaises », précise-t-il. Adepte d’une politique d’économie circulaire, Stockman collabore avec une association locale pour le recyclage des chutes de toile. Par an, pas moins de 25 000 m de toile sont utilisés pour habiller les bustes d’atelier, mais aussi les autres créations de la marque (jambes, bras et têtes). Un catalogue développé après la rencontre de Frédéric Stockman avec un certain monsieur Siegel, laquelle donna du reste naissance à la marque. Talentueux visionnaire, Stockman lança également le mannequin de vitrine pour attirer le client dans les boutiques. Forts d’un buste confectionné en résine et non en papier mâché comme son homologue d’atelier, ces mannequins recouverts de tissu sont produits à 20 000 unités par an. Le plus célèbre d’entre eux, dessiné en 1947 par Christian Dior, représente encore 40 % des ventes de bustes vitrine. Personnalisables (marquage ou tissu) à la demande, ces bustes s’adaptent aux nouvelles attentes. « Si, tous les dix ans, nous réadaptons les bustes aux nouvelles mesures européennes, les formes sont quant à elles imposées par nos clients, indique le directeur. Ce sont eux qui nous amènent à proposer de nouvelles morphologies pour coller à l’univers de leur marque. » Stockman vient par exemple de lancer des bustes gender fluid (unisexe) sans poitrine.
Les étapes de fabrication
Particulièrement technique, la fabrication d’un buste atelier débute toujours par l’apposition de huit couches de papier mâché sur un moule en plâtre (photo 1). Lequel est ensuite placé dans un four à 60 °C (photo 2). Vient ensuite le découpage afin d’extraire le moule, phase historiquement effectuée par la droite (photo 3). La partie ouverte est agrafée, puis recouverte de papier mâché. Après une phase de séchage de 24 h, le buste est alors poncé (photo 4). Dans l’atelier couture, la toile en coton bio est découpée à partir d’un patron (photos 5 et 6), puis cousue très serré, avant d’être enfilée sur le buste. Le buste est ensuite marqué à l’aide d’une peinture sèche, puis fixé sur son pied. À son extrémité, la poignée qui actionne la tige logée dans le centre du buste permet de bouger le buste sur lui-même sans le déplacer.
Texte : Sophie Pierre / Photos : Marc Schwartz pour Esprit d’Ici