Dans la région de la Saintonge, en Charente-Maritime, les carrières de pierre de Crazannes racontent une belle histoire : celle du travail des hommes.

Lorsque, sur la route des vacances, on fait une halte sur la seule aire de repos accessible entre Saintes et Rochefort, on n’imagine pas découvrir un théâtre de verdure de 5 hectares, composé d’abrupts de pierre et de gorges, ponctué d’escaliers et envahi par des lianes et des fougères. La nature a en effet repris ses droits sur ces anciennes carrières de pierre, formées il y a 90 millions d’années, exploitées pendant près de 2 000 ans par l’homme, et devenues, depuis 1995, l’un des 14 pôles nature du département, assorti d’un espace muséographique accessible sans même quitter l’autoroute.

Utilisée dès l’époque gallo romaine pour l’édification des voies, la pierre a nourri ici des générations de carriers, qui ont creusé les parois pour en extraire un calcaire reconnu pour la finesse de son grain et son absence de fossiles, et particulièrement résistant au gel et aux assauts de la mer. On réservait les quatrième et cinquième couches de cette pierre blanche aux sculptures et aux ouvrages nobles, quand la pierre d’Anthéor – la troisième couche, plus jaune mais plus résistante – était destinée aux constructions. Le parement extérieur du fort Boyard ou les fortifications Vauban de La Rochelle et de Brouage en sont l’illustration. Châteaux phares, édifices plus modestes des villages, le paysage local en est à jamais marqué. Elle fut aussi exportée en Europe et même aux États-Unis, où, selon la légende, elle aurait servi à bâtir le socle de la statue de la Liberté.

  1. La gorge des grandes arches, la plus profonde du site, est le point d’orgue des visites.
  2. Sous la terre végétale, plusieurs couches de calcaire de qualité variable se superposent, chacune propre à un usage différent, que les guides détaillent avec une grande érudition.
  3. Le Rochelais Thomas Petit était en résidence à Crazannes durant l’été 2017, pendant six semaines. Son œuvre L’Homme-jaguar est toujours visible sur le site. Deux autres artistes ont œuvré sur place durant l’été 2018.

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Un travail de mémoire

Dans les années 1990, quelques passionnés, dont Stéphane Majeau, l’actuel directeur du site, ont recueilli les témoignages des derniers carriers pour reconstituer leurs conditions de travail. C’est à partir de cette mémoire qu’ont été bâtis les circuits de visite du site. On apprend ainsi que, jusqu’au début du XXème siècle, ces hommes considérés comme des artisans s’organisaient en toute liberté pour tailler, à ciel ouvert ou en souterrain, des blocs les plus massifs possibles, transportés ensuite sur des charrettes attelées à six bœufs. L’arrivée du béton puis la succession des deux guerres mondiales ont finalement signé l’arrêt de l’exploitation des carrières. De 1 000 habitants en 1910, le village n’en comptait plus que 270 en 1972. Aujourd’hui, visites guidées ou parcours libre, ateliers d’initiation à la sculpture destinés aux enfants, stages pour les adultes… De multiples activités sont venues redonner vie au lieu, tout en y insufflant une volonté de transmission.

Les ateliers de sculpture animés par Pedro Primo sont destinés aux enfants. Ils choisissent d’abord un gabarit en bois, dont ils tracent les contours au crayon noir sur un bloc de pierre blanche de Thénac. Ils enlèvent la matière à l’aide d’un ciseau de sculpteur et d’une massette, puis, avec une pointe, dessinent les derniers détails. Chacun repart avec son travail.

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Inscrire l’art dans la roche

Non loin, dans l’ancienne carrière des Chabossières, des artistes du monde entier viennent participer au projet des Lapidiales, sculpter les parois de calcaire et ainsi donner naissance à un musée à ciel ouvert. Depuis le village de Crazannes, on longe la Charente par le chemin de halage, un itinéraire balisé d’environ 10 km, pour rejoindre Port-d’Envaux et accéder à cet espace d’art en perpétuelle évolution, qui compte aujourd’hui une soixantaine d’œuvres. Une agréable balade sur la route de la pierre.

Ouverture du 1er Mars au 6 Novembre. Consultez les horaires d’ouvertures et tarifs sur www.pierre-de-crazannes.fr

Texte : Patricia Marini / Photos : Marie-José Jar