Un paradis de senteurs, couleurs et élégance… Cette roseraie aux courbes arrondies est une ode à la féminité. Peut-être grâce au nom prédestiné d’André Ève, son créateur.

Se doute-t-on qu’à deux pas du centre-ville de Pithiviers s’épanouit un merveilleux jardin de roses anciennes ? Il se déploie tout en longueur, déroulant entre deux murailles de pierre un moelleux tapis de verdure. Des allées gazonnées épousent les contours de massifs arrondis formant des vasques végétales. Rosiers liane et plantes grimpantes rivalisent d’élégance et d’audace, se hissant vers les cieux pour retomber avec une nonchalance étudiée. Il y a une trentaine d’années, les Pithivériens n’auraient pas parié un kopeck sur la destinée de cette parcelle ingrate et longiligne. C’était sans compter la passion, la volonté et le talent d’André Ève, jardinier de profession : « On ne pouvait pas même apercevoir l’extrémité du terrain tant il était envahi de gravats et de ronces. Il a fallu jouer de la machette, couper les arbres morts, arracher les orties, débroussailler en grande profondeur, retourner le sol à l’aide d’un motoculteur et engraisser la terre avec de l’humus. »

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Un jardin d’exception

Appelons cela le syndrome de Cendrillon : il semble qu’un état originel piteux et délabré pique au vif les nouveaux propriétaires, qui ont alors à cœur de métamorphoser la citrouille en carrosse. Grand amoureux des roses, André Ève rêvait d’une roseraie. Mais, problème : « Une roseraie n’est belle que de mai à septembre. Pour avoir des fleurs et des couleurs toute l’année, j’ai eu l’idée de mêler aux roses des plantes vivaces – une innovation à l’époque ! » Et une vraie réussite : le feuillage varie selon les saisons et la luminosité. On peut compter sur les clématites, les euphorbes, les hostas, les pavots, les érémurus, les graminées, les iris et les heuchères pour assurer l’intérim quand les roses se reposent. Cette profusion végétale, d’apparence désordonnée, est en réalité fort soignée, avec des associations de plantes à la fois très étudiées et intuitives. Tissant des liens avec des rosiéristes du monde entier, André Ève a rassemblé une impressionnante collection de roses anciennes. « Après guerre, explique-t-il, on avait complètement abandonné les variétés anciennes. L’engouement se portait vers les roses aux coloris francs et éclatants.

Une roseraie qui a tout le charme de la spontanéité

Quelques nostalgiques recherchaient pourtant ces vieilles variétés associées aux jardins de grands-mères et aux souvenirs d’enfance. J’ai réuni des greffons provenant des plus prestigieuses collections européennes : L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), Sangerhausen (Allemagne), Cavriglia (Italie)… Certains viennent même de Nouvelle-Zélande. Les rosiers amènent de bons contacts. Si j’avais fait des betteraves, ce ne serait peut-être pas pareil ! » À 82 printemps, André Ève entretient encore son jardin, bichonnant sa progéniture. Car ce collectionneur est aussi rosiériste-obtenteur, c’est-à-dire qu’il crée des variétés hybrides de roses. La première fut ‘Sylvie Vartan’, née en 1968. Puis, ajoute-t-il avec malice, « j’ai fait des enfants avec ‘Sylvie Vartan’ ». Comprenez par là des hybrides croisés comme le ‘Prestige de Bellegarde’ aux pétales rouge vif, fruit de l’union de ‘Sylvie Vartan’ et de ‘Lili Marlène’. Les demoiselles qui s’épanouissent ici sont à la hauteur de leur pedigree et forment l’élite des roses, aussi réputées auprès du public que des professionnels. La marque de luxe Dior ne s’y trompe pas, qui prélève ici boutons et pétales qui vont parfumer des produits de beauté. Une consécration qui emmène les filles d’Ève bien au-delà de Pithiviers – ville qui possède d’ailleurs depuis 2004 une rue André-Ève. Chapeau, monsieur le jardinier des roses !

  1. Les pétales violets de ‘Rhapsody in Blue’ cachent un cœur crème. Ses nombreux boutons promettent une véritable explosion de fleurs à l’odeur épicée.
  2. Le rosier grimpant ‘Westerland’ arbore des fleurs couleur abricot d’une folle élégance. Au passage, elles dégagent un parfum puissant.
  3. ‘Suzon’ évolue du jaune fluo bordé d’abricot au rose soutenu lorsque vient la défloraison. 
  4. Un rosier ‘Cerise bouquet’ (à droite), véritable arbuste, joue les acrobates. Derrière le tilleul, la maison de monsieur Ève.
  5. Un rosier inédit s’est amouraché de l’albizia (arbre de soie), à la floraison estivale, aussi léger et aérien que lui. Dans ce jardin de senteurs, voilà une petite halte ombragée dans un écrin de couleurs et de verdure où l’on se laisse aller à la contemplation.
  6. Une allée discrète se fraye une traversée entre les plantes exubérantes. Sur la pergola s’accrochent des rosiers grimpants associés avec légèreté à des clématites tandis que des fougères luxuriantes se déploient au pied du mur, face à une profusion végétale caractéristique de la roseraie créée par André Ève.