Balade découverte au rythme de nos pas et de haltes savoureuses. L’Aveyron dévoile toutes les richesses de son terroir.

Qui chemine bien, mange bien. Avec une dizaine de kilomètres par jour dans les pattes, la table prend une autre dimension pendant cette randonnée en Aveyron. À chaque jour, son parcours et ses saveurs. Le midi sur un banc, le soir au restaurant. En Aveyron, la nature fait la sieste sous la forte chaleur de l’après-midi. Nous aussi. Puis l’on repart de bastide en village. Le soir, halte dans des établissements proposant une cuisine de pays et des hôtels au charme bucolique où l’on se réveille avant l’aube en souriant aux premiers chants des oiseaux. On compte les heures au son du clocher. Quand le réveil sonne, on est déjà fin prêt. Daniel Brillet, un guide local et érudit, « raconteur de pays », nous rejoint parfois pendant nos promenades afin de pointer du doigt les curiosités. Sur le chemin, quelques cabanons en pierres sèches qu’on appelle cazelles lorsqu’elles sont isolées et gariottes lorsqu’elles sont accolées ou adossées à un mur. L’information ne mange pas de pain, mais nous oui, pendant la halte pique-nique. Daniel Brillet ajoute que cette tradition architecturale de pierres sèches, typique de la région, vient des Visigoths. Elle s’explique par la présence des causses et donc du sous-sol calcaire. Ah ! d’accord. On sort sa gourde, une rasade d’eau fraîche et on repart. On ne dira jamais assez combien la marche à pied permet de découvrir les paysages autrement. Le caractère sensoriel de cette promenade est l’un des aspects les moins attendus et des plus agréables. Au mois de juin, à la tombée du jour, après un après-midi de soleil, toutes les senteurs herbacées et florales tapissent les paysages d’une brume olfactive. Roses, glaïeuls sauvages et orchis abeille, une fleur qui attire les abeilles par mimétisme. Astucieuse technique pour se reproduire. En haut d’une petite montée, on souffle un peu.

Et maintenant, on est bientôt arrivé ?

Au loin, on aperçoit le village de Monteils. Rendez-vous à la ferme Carles dont la visite de l’élevage de canards est obligatoire pour pouvoir manger ensuite dans cette ferme-auberge. Les repas sont préparés au feu de bois dans un énorme chaudron en cuivre. La marche se poursuit un peu plus lentement : nous sommes lestés par le confit. En chemin, rencontre fort opportune avec une plante locale grimpante et dépurative, le respounchou : on fait le plein et c’est reparti. Sur le chemin, nous croisons d’autres toqués de prouesses. Le boulanger de Najac nous annonce, photos à l’appui, avoir confectionné pour la fête de la ville le troisième dimanche d’août des fouaces pesant jusqu’à 55 kilos. À la ferme de Lacalm, les gâteaux à la broche peuvent mesurer un mètre de haut nécessitant des heures de préparation. Les Aveyronnais semblent cultiver l’opulence et l’excès. Pour calmer les estomacs, il nous faut un peu de culture dont Daniel Brillet ne manque pas. Visite du monastère de la Chartreuse Saint-Sauveur, à Villefranche-de-Rouergue. En fin de journée, la lumière semble chargée des heures du jour… C’est à ce moment précis et exquis que nous entrons dans le monastère, avec ses zones d’ombres et donc de fraîcheur. Les bourgeois de Villefranche-de-Rouergue ont fait fortune dans l’industrie du drap (chanvre et lin) et du cuivre. De quoi construire le patrimoine de cette ville située sur une faille géologique où se trouvaient les mines de cuivre. Mais cette Chartreuse est l’affaire d’un seul homme, Vézian Valette, un riche marchand de drap. Parti en 1450 en pèlerinage à Rome, il avait demandé à son épouse de faire construire une collégiale à sa mémoire s’il ne revenait pas… et la bâtisse est là. Bastide royale, Villefranche-de-Rouergue s’est développée au xiiie siècle.

Aveyron, plus qu’une architecture !

La bastide est un phénomène d’urbanisme qui occupe tout le quart sud-ouest de la France. Son agencement est à la fois politique et économique. Il permet une mise en valeur des terres. Chaque maison est construite à l’identique sur un terrain de taille égale à celui du voisin. Les nobles y étaient interdits. Seuls les artisans et les commerçants pouvaient s’y installer. Quand l’équité fait la prospérité. Avant l’apparition des bastides, la région connaissait la sauveté, autre principe urbanistique, voire idéologique, basé sur une répartition équitable des terres. En Occitanie, avant l’arrivé des Francs, les terres se partageaient entre filles et garçons. De plus, les cerfs qui s’échappaient et venaient vivre dans la sauveté étaient immédiatement affranchis. Quand Raymond VII récupère le Rouergue, il décide d’accoler une bastide à la sauveté. Aussi distingue-t-on, grâce aux explications expertes de Daniel Brillet, les deux aménagements du territoire. À la distillerie artisanale Gayral, on n’est pas passé à côté sans rien boire. On retrouve la nature de l’après-midi dans le verre. L’homme cueille des pissenlits, des fleurs d’acacia, pour préparer son eau-de-vie, mais il a aussi planté des mirabelliers… Cul sec et on repart. Dix kilomètres à pied, ça ouvre, ça ouvre, dix kilomètres à pied, ça ouvre l’appétit !

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  1. Entre bastides et châteaux, causse et vallées verdoyantes, le paysage ne se lasse pas de raconter l’histoire du pays.
  2. Tout prête à la dégustation dès que l’on quitte les sentiers. À Najac ou à Villeneuve-d’Aveyron, l’accueil est souriant et même les enseignes à l’ancienne sont une invitation à découvrir les bons produits locaux.
  3. Sur son piton rocheux, le somptueux village de Najac et sa forteresse surplombent fièrement l’Aveyron.
  4. Les fromages de chèvre locaux offrent un grand choix.
  5. Des rencontres on ne peut plus agréables ; entre la fraise des bois ou l’orchidée sauvage, nous prend une envie de cueillette.
  6. Fouace aveyronnaise.