Du cinéma ? Non, une véritable manufacture qui fait des parapluies de Cherbourg un accessoire raffiné. Des techniques de pointe au service d’un savoir-faire artisanal.

Le petit magasin de parapluies au fond d’une impasse… Catherine Deneuve en débutante… La palme d’Or à Cannes pour Jacques Demy… C’était en 1964. Cela fait tout juste cinquante ans que « Les Parapluies de Cherbourg » font le tour du monde. De Cherbourg, vraiment ? À vrai dire, le pépin n’a jamais été une spécialité de la ville. Ici, vu le temps, on a toujours été consommateur, ça oui, mais pas producteur. Sauf que Jean-Pierre Yvon a créé, il y a vingt-cinq ans, Le Véritable Cherbourg. Enfant, il avait enfourché son vélo pour aller assister au tournage qui devait bouleverser le destin de la ville. « Je me souviens très précisément de certaines scènes. Ils avaient posé la cabine d’un chalutier sur le quai et ils faisaient la neige avec le sel de la criée. » L’homme a été ensuite photographe et publicitaire, mais il croit à la prédestination : il a retrouvé dans un grenier, l’enseigne du magasin de ses parents. Ils faisaient dans le cuir et la sellerie. Manufacturiers, déjà. Soyons franc : n’étant point Lord anglais mais d’une génération qui considère le parapluie comme un outil pliable et malheureusement oubliable, on ne s’était jamais penché sur la question du pébroque. Jean-Pierre Yvon, lui, est intarissable. Le galbe des baleines, par exemple, il l’a dessiné lui-même, comme la signature de la marque.

Un galbe parfait

Une courbe ni trop tendue, ni trop marquée, qui offre la meilleure résistance au vent et donne une sensation d’harmonie. « Ouvrez un de mes parapluies sous l’arche du Pont Neuf à Paris, vous découvrirez que les voûtes sont de même proportion. » Et la taille ? Elle s’adapte. « Pour qu’un parapluie soit le prolongement naturel de votre main jusqu’au sol, il faut tenir compte de la taille. Ce ne peut pas être un objet standard. » Le Véritable Cherbourg est fabriqué depuis quinze ans à Cherbourg, dans un atelier implanté à l’arrière des chantiers navals. Parce qu’on est dans un port, Jean-Pierre Yvon parle volontiers de voilure plutôt que de toile, de mât plutôt que de manche, et de haubans plutôt que de baleines. Une dizaine d’ouvriers découpent, piquent, mètrent et assemblent. Comme chez un tailleur haut de gamme, les tissus passent à la table lumineuse, afin de détecter le moindre défaut. Soies, cotons ou lins viennent de France, d’Italie ou d’Angleterre et sont découpés à l’emporte-pièce. Ils sont ensuite brodés aux armes de la maison.

Le Véritable Cherbourg

Les manches sont en bois, courbes ou droits, unis ou mouchetés, semi-précieux ou précieux, véritables pièces d’ébénisterie. Les bagues, en laiton doré à l’or fin ou en argent massif, sont gravées comme des bijoux. Certaines pièces sont en carbone ou en titane. Au total, il faut près de deux heures pour réaliser un modèle. Deux heures jusqu’à la finition ultime, le jet de vapeur qui tend la toile et fait disparaître les plis. Le tout est testé en soufflerie, ce qui permet de garantir une résistance aux bourrasques de plus de 150 kilomètres à l’heure. De la belle ouvrage, assurément, qui a un coût (à partir de 110 €), mais qui refait du parapluie l’objet raffiné qu’il fut il y a un siècle. « Un lien particulier se tisse avec son propriétaire, conclut Jean-Pierre Yvon. Il le porte sous son bras. C’est son compagnon des jours difficiles. Et puis, quel geste plus intime, plus protecteur, que d’abriter quelqu’un sous son parapluie ? »

  1. La machine à broder, l’outil clé pour mettre en avant les couleurs de la marque de Jean-Pierre Yvon.
  2. Des tissus zéro défaut pour ces accessoires haut de gamme, pratiquement du sur-mesure découpé avec précision à partir de gabarits en métal.
  3. Ça ne fait pas un pli, traditionnel, automatique ou pliant, le parapluie doit passer tous les tests.
  4. Un petit air rétro souffle sur le port normand avec cet accessoire qui ne manque pas de chic.
  5. Jean-Pierre Yvon a chargé sur son téléphone le logo de l’État français « Reconnu opérationnel ». C’est que son « Parapactum » est le parapluie officiel… de l’Élysée.
  6. Une finition au millimètre pour ce produit fabriqué à la main, du renfort de tissu sur chaque baleine à la plaque fixée sur le manche…