Prairies et bocages, forêts et vergers, kiosques et clochers… L’Avesnois offre l’image pittoresque d’un Nord méconnu. Un voyage de charme dans une campagne préservée.

Cela pourrait faire l’ouverture du JT de Jean-Pierre Pernaud. Un coin un peu oublié de cette France des régions où il fait bon vivre. Du vert à perte de vue. Au détour d’une départementale, on tombe sur le dernier artisan de Sars-Poteries, capitale de la verrerie il y a plus d’un siècle. Chaque village de ce territoire rural semble faire la nique à son voisin avec son pittoresque clocher à bulbe. Celui de Solre-le-Château est une attraction à lui seul : sa flèche à clochetons penche sérieusement. On dit qu’il s’inclina un jour pour observer la seule fille vertueuse de la ville. C’est qu’on a beau être à la campagne, on sait s’amuser ici. Comme le rappellent ces kiosques à musique, petites merveilles architecturales en fer forgé qui subsistent dans quelques bourgs. Même si l’église a fortement marqué et développé ce territoire, en y construisant des abbayes dont hélas peu subsistent. La piété s’exprime encore dans les 700 oratoires et chapelles que l’on croise toujours au bord de la route ou sur le pignon d’une maison.

Un paysage modelé par les hommes

Il faut plus que trois minutes de reportage dans la lucarne pour découvrir cette France d’en haut qui tranche avec l’image industrieuse et grise du Nord-Pas-de-Calais. Ce sud du Nord, coincé entre la Belgique wallonne et l’Aisne, où l’on n’a pas l’accent ch’ti. Historiquement partie française de l’ancien comté du Hainaut, l’Avesnois est désormais une division administrative centrée autour d’Avesnes-sur-Helpe. Mais c’est surtout l’un des 48 parcs naturels régionaux de France. Une nature préservée, jalonnée de prairies et forêts, paradis des randonneurs et des cyclotouristes avec ses 900 km de chemins aménagés. Un paysage modelé par l’homme autour du bocage qui occupe 40 % d’un territoire orienté vers la filière laitière et herbagère. -D’innombrables haies dessinent les parcelles et fixent un sol gorgé d’eau, la grande richesse de l’Avesnois. Nappes phréatiques, sources, étangs nourrissent un sol fertile et ont longtemps représenté la seule source d’énergie. Au xixe siècle, l’Avesnois comptait près de 200 moulins à aubes. Ils servaient à moudre, à forger mais aussi à scier le marbre et l’emblématique pierre bleue qui marque les villages, comme celui de Moustier-en-Fagne. Il en subsiste une vingtaine, à Grand-Fayt notamment, ou celui qui abrite le musée de la boissellerie à Felleries, capitale de la bobine où l’on en produisit jusqu’à 9 millions par an au xixe siècle. Et l’on ne peut évoquer l’eau sans parler du Val Joly, le plus grand lac artificiel au nord de Paris, au cœur de la forêt de Trélon, 180 hectares que l’on parcourt à la voile, en kayak ou en pédalo… L’écotourisme se développe pourtant seulement depuis quelques années dans cette région où le temps semble s’être arrêté. Traverser les villes fortifiées de Quesnoy-sur-Deûle ou d’Avesnes-sur-Helpe vous amène à la découverte de petits cafés et estaminets croquignolets, d’étonnantes manifestations locales comme la Foire aux mouches qui rappelle la défense glorieuse de la ville d’Avesnes-sur-Helpe par un essaim d’abeilles au xve siècle. Un chocolat perpétue depuis le souvenir de cette légende.

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Un héritage au goût du terroir

Il faut dire que l’Avesnois s’est surtout attaché à développer un savoir-faire autour des produits de la terre qui a modelé son territoire. Reine du bocage, la bleue du Nord est ainsi le symbole d’une agriculture raisonnée. Cette belle vache, qui doit son nom au reflet de sa robe, a failli disparaître après la Seconde Guerre mondiale. Elle est aujourd’hui élevée pour sa viande et son lait. Car – faut-il le rappeler ? – l’Avesnois est le pays d’un fromage : le célèbre maroilles. Il est en revanche moins connu pour ses vergers. Pourtant, dans les années 1950, l’Avesnois était la première région productrice de pommes en France. Une douzaine d’arboriculteurs perpétuent cette tradition et commercialisent jus de pomme et de poire, cidre et poiré, en redonnant vie à des variétés anciennes comme la reine de reinettes ou la lanscailler. Enfin, il ne faut pas l’oublier, l’Avesnois est une grande terre brassicole. On connaît la Jenlain mais moins la Cuvée des jonquilles, brassée à Gussignies. À Monceau-Saint-Waast, Olivier Forest a remis sur pied une brasserie de 1830 et brasse à l’ancienne L’avesnoise, une bière non pasteurisée et refermentée en bouteille (voir « Esprit d’ici » n° 10). À Neuville-en-Avesnois, Jérôme Drumont, par ailleurs apiculteur, a lancé la Dreum, une bière aromatisée au miel. Des pommes, de la bière, du fromage… Le panier de pique-nique se garnit tranquillement. Et si l’on éteignait la télé… ?

  1. Le village de Maroilles revendique son âme campagnarde. Il doit sa notoriété à son fromage, le « plus fin des fromages forts », fabriqué par des moines dans son abbaye bénédictine fondée au viie siècle et disparue depuis longtemps.
  2. Toutes les maisons ne sont pas en brique rouge… Dans la verdure environnante, on se laisse parfois surprendre au détour d’une petite route par des lieux qui font oublier la rigueur de l’architecture traditionnelle.
  3. Aux confins du parc de l’Avesnois, La Rose laitière offre une pause bienvenue dans la ferme rénovée de producteurs de lait datant du xviiie siècle.
  4. La bleue du Nord, réintroduite dans les années 70, fait partie du paysage avesnois.
  5. Ce pays de bocage, pas tout à fait plat, vit au rythme de la campagne, au gré d’un tour de roue.
  6. Au sommet du beffroi du Quesnoy, on peut découvrir le carillon et ses 48 cloches où des concerts sont régulièrement donnés.