Chaque année, d’octobre à avril, Régis Ducoux, distillateur ambulant, installe ses alambics dans les villages du nord Limousin.

Depuis trois ans, Régis Ducoux pratique l’art de la distillation des fruits dans le nord de la Haute-Vienne. « Je m’intéressais depuis un moment aux alcools de fruits et l’opportunité d’acheter le matériel d’un ancien qui arrêtait le métier a fini par me décider ». Il lui a fallu tout de même obtenir le droit de distiller, délivré par la préfecture, après une enquête de moralité !

Les fruits d’une tradition

« Notre activité est très réglementée. Les emplacements sont déterminés par les municipalités et agréés par les douanes. Je dois déclarer les dates de chauffe 48 heures à l’avance ainsi que les quantités d’alcool distillé et vendu. » Sa clientèle est constituée de fidèles qui apprécient sa façon de distiller, tout en douceur. Régis communique également sur sa présence auprès des habitants. « Les gens confondent souvent le droit de distillation et l’exemption de taxes. Le fait de posséder un arbre fruitier donne le droit de faire distiller les fruits, en s’acquittant des taxes, bien sûr ! On assimile souvent à tort le distillateur au bouilleur de cru, c’est une erreur, précise Régis. Le bouilleur de cru désigne la personne qui conduit la fermentation des fruits. Ce sont donc les clients qui m’apportent leurs fruits qui sont les bouilleurs de cru ! Et c’est ce savoir-faire qui a tendance à se perdre. » Car c’est bien de la façon dont sont fermentés les fruits que dépend ensuite la qualité de l’eau-de-vie. Idéalement, les pêches doivent être dénoyautées car le noyau contient du cyanure. Pour les poires, mieux vaut ôter la queue et le trognon tandis que, pour l’alcool de prune, le fruit entier passe. « Je conseille vivement à mes clients de prendre bien soin d’écraser et de mélanger leurs fruits. La fermentation n’en est que meilleure et le rendement beaucoup plus important. Mais je vois toujours des fûts arriver avec des fruits quasi entiers ! »

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Bien que la distillation repose sur une suite de transformations chimiques, ce n’est pas pour autant une science exacte. Il faut un sens aiguisé de l’observation et une bonne dose d’expérience pour séparer l’eau de l’alcool tout en révélant les arômes. Afin d’obtenir des eaux-de-vie très parfumées, Régis préfère des chauffes longues de cinq heures environ. « Cela laisse suffisamment de temps aux arômes pour se libérer. » Les fruits, enfermés dans un sac de jute, sont plongés dans la cuve de chauffe remplie d’eau. Le bois brûle à petit feu. La vapeur quitte la cuve par un tuyau en col-de-cygne et rejoint le rectificateur. De ce dernier part un serpentin duquel s’écoule l’alcool, par refroidissement. « Le degré d’alcool dépend du goût du client et des fruits. Une eau-de-vie de poire doit faire 45° pour être vraiment bonne. Je peux baisser le degré en continuant à distiller tout en amenant des arômes de fruits. » Grâce à son thermomètre au laser, Régis surveille la température de l’alambic. D’expérience, il sait déjà ce que donnera le résultat final. Tandis qu’il parle, les premières gouttes jaillissent du tuyau de cuivre. Après avoir parfumé l’air ambiant autour de l’alambic, la poire livre ses derniers arômes dans un liquide limpide. Une fois l’eau-de-vie mise en bouteilles, il faudra attendre cinq mois – le temps nécessaire pour que l’amertume disparaisse – avant de la boucher et de la consommer, avec modération.

  1. La combustion du foyer est sous haute surveillance tout le temps de la distillation.
  2. Le lourd matériel fonctionne au feu de bois, il faut donc prévoir une bonne dose de carburant selon la quantité de fruits à distiller.
  3. Régis Ducoux vient d’installer ses alambics ambulants. Le numéro de transformation peut commencer.
  4. Une atmosphère de vapeurs et d’odeurs.
  5. En fin de chauffe, la cuve vidée de son contenu au pied de l’alambic.
  6. Le savoir-faire des producteurs de fruits est essentiel : pommes, poires, cerises ou prunes doivent macérer longuement pour que le distillateur en sublime tout l’arôme.