Le bleu de Termignon est un fromage méconnu qui perpétue une longue tradition savoyarde avant de se retrouver en début d’année dans nos assiettes.

Termignon, petit village savoyard de 400 habitants, est réputé auprès des fromagers pour sa production ultra-confidentielle, mais exceptionnelle, de fromage. Six fabricants perpétuent la tradition du bleu de Termignon. Contrairement à ce qui se passe la plupart du temps, les producteurs n’ont pas fermé leur porte les uns après les autres. Il y a un demi-siècle, ils étaient aussi peu nombreux qu’aujourd’hui, nous confie Murielle Bantin, la fille de Marcel (en action sur les photos), qui fabrique avec son mari 350 fromages par an. Marcel et son fils Raphaël, eux, sont les plus gros producteurs de Termignon avec plusieurs centaines de tommes par an. Le bleu de Termignon est élaboré dans les alpages, entre 2 100 et 2 500 mètres d’altitude, avec le lait des vaches tarines ou abondance, de juin à début octobre. « Lorsque l’on monte au début de l’été, les prairies sont tapissées de violettes et, forcément, la qualité du lait s’en ressent. »

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Des fleurs de la Vanoiseà la tomme persillée

Après avoir chauffé puis emprésuré le lait, le caillé est tranché, égoutté, pétri, mélangé avec le caillé de l’avant-veille, salé puis moulé. Commence alors le bichonnage de ces tommes de 30 cm de diamètre et 20 cm de hauteur. Il faut les retourner tous les jours. « Comme dit ma fille, l’été, lorsque l’on est là-haut : tu vas t’occuper de tes bébés. » Plus ils sont jeunes, plus les fromages demandent de l’attention. Après deux semaines, ils sont démoulés, salés à nouveau, mis en cave où on les tourne et les essuie régulièrement. Ces tommes de 10 kg sont ensuite affinées au minimum quatre mois dans les caves du village. Murielle Bantin a choisi de garder une partie de sa production jusqu’à sept ou huit mois. De même, Raphaël et Marcel Bantin gardent quelques tommes jusqu’à l’été. Le bleu de Termignon a la particularité de ne pas développer un goût trop fort en vieillissant. Il se bonifie tout simplement et bleuit à l’air libre. Pour obtenir ce beau persillé, deux méthodes : le percer à l’aide d’une aiguille afin de faire pénétrer l’air et d’activer la moisissure, ou le couper en deux puis accoler les deux morceaux et attendre que le temps fasse son travail. Certains bleus vendus trop jeunes ne bleuissent pas. Le goût est-il vraiment différent avec ou sans bleu ? Murielle vous répondra par l’affirmative, d’autres sont moins convaincus, mais avouez qu’un bleu bien blanc sur un plateau de fromages, ça surprend. Or la vue ne participe-t-elle pas aux plaisirs des papilles ?

  1. Marcel Bantin dans les caves d’affinage de Termignon : les tommes pèsent jusqu’à 10 kg.
  2. Les caillés, placés dans des moules en pin, s’égouttent à travers des toiles de lin, afin d’en extirper l’humidité.
  3. Ce fromage de terroir bleuit à l’air libre. Malgré les apparences, il garde une saveur très douce en vieillissant.