Dans les pays de montagne comme le massif du Sancy, la transhumance reste une tradition paysanne revigorante, perpétuée chaque année.
En ce début du mois de juin, le ciel lourd n’est pourtant pas un présage de pluie. Aucune brise à l’horizon… Il semblerait que la météo soit enfin propice au grand départ. Ce matin, à Vernines, au cœur du Puy-de-Dôme, il n’est pas question de rêvasser. Richard Randanne, éleveur ovin, sa femme, ses enfants et une poignée d’amis téméraires entament les premiers mètres d’une longue marche d’une vingtaine de kilomètres vers le massif du Sancy. Les sept cents brebis de Richard le savent : là-haut, l’herbe est bien plus verte… Installé dans ce petit village niché sur un plateau volcanique, entre Mont-Dore et la chaîne des Puys, Richard vit à deux pas de chez ses parents qui élevaient des moutons et des bovins. C’est en 1998 qu’il reprend les rênes de leur troupeau de ravas, des brebis rustiques et têtues ne reculant devant rien… De véritables Auvergnates ! Il est le premier de la famille à s’y consacrer entièrement.
Bâton et chiens de berger
Fils d’éleveurs, Richard est à l’aise avec ses bêtes et n’en est pas à sa première transhumance, ou « estive » comme on dit ici. Il faut dire que petit déjà, il suivait ses parents dans la montagne et jouait du bâton sans véritablement se soucier de grand-chose. « Un jour, à l’âge de 10 ans, raconte-t-il, on descendait les brebis. Il neigeait beaucoup et on n’y voyait rien. J’étais à l’arrière pour faire avancer les bêtes, mais le troupeau s’est scindé en deux sans qu’on s’en aperçoive. Mes parents, devant, continuaient à avancer. Moi, je suis resté un long moment tout seul avec mon chien dans la neige et le brouillard. » Une sacrée leçon ! Aujourd’hui, après avoir pris toutes les précautions nécessaires, c’est entouré de sa famille et de ses amis qu’il s’active en tête de son troupeau avec, toujours près de lui, Gitane et Chaussette, ses deux chiens de berger.
Un jour de marche
Avant de partir sur les hauteurs, Richard déparasite les brebis, les tond, leur coupe les onglons et les marque de bleu et de rouge, afin de les reconnaître si elles se mêlent à un autre troupeau. En général, il faut compter une bonne journée de marche avec, à la clé, la promesse d’une herbe fraîche et bien verte. Le bâton en main, Richard connaît l’itinéraire sur le bout des doigts. Il ouvre la marche, montre la voie à prendre, mais impose aussi la cadence. Il faut trouver le bon rythme, celui qui empêchera le troupeau de s’éparpiller. Les bêtes doivent avancer à la même allure, sans cela les retardataires s’essouffleraient et auraient du mal à terminer le voyage. D’ailleurs, à l’arrière, on surveille de près les brebis volages. Sous l’emprise de leur frénésie gourmande, elles broutent tout le long du chemin, allant parfois jusqu’à en perdre le peloton !
Au rythme des cloches accrochées à leur cou, les brebis se dirigent vers le col de la Croix-Saint-Robert, à 1 600 mètres d’altitude, dans le massif du Sancy. Elles y resteront deux mois environ, sous le regard attentif d’Arnaud, le berger. Le temps pour elles de pâturer dans ces immenses étendues verdoyantes où elles pourront se nourrir du meilleur de l’alpage.
- L’heure du départ approche à grands pas, mais en attendant, les brebis patientent dans l’enclos.
- Avant d’arriver là-haut, il faut emprunter quelques portions de route. Richard, en tête du troupeau, sa famille et ses amis redoublent d’attention.
- Tel un véritable cortège, les moutons s’activent derrière leurs guides du jour dans ce chemin étroit.
- Les rencontres sont parfois cocasses, comme ce véhicule cerné de moutons.
- Lorsque les brebis meneuses décident d’avancer, le mouvement suit immédiatement.
- En montagne, Richard compte beaucoup sur ses chiens de berger.