La ville de Mauléon, au Pays basque, a longtemps été la capitale de la sandale de jute. Quelques ateliers préservent ce savoir-faire précieux.

Synonyme de vacances, le mot espadrille évoque bien-être estival et tenue décontractée. Mais, au Pays basque, cette sandale en jute recouverte d’une toile épaisse en coton est avant tout une tradition. Son histoire est intimement liée à celle de la ville de Mauléon, située au pied des montagnes souletines. Cette semelle de corde portée au xixe siècle, pour travailler aux champs comme pour aller danser, a en effet contribué à l’essor de la commune. Les ateliers de fabrication, passés progressivement du stade artisanal à l’ère industrielle, produisaient en 1850 jusqu’à dix millions de paires. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, une quarantaine de fabriques font alors vivre près de 1 800 sandaliers. Aussi est-il bien difficile d’imaginer qu’il ne reste plus aujourd’hui, dans ce berceau historique de l’espadrille, que trois ateliers en fonctionnement.

Des machines centenaires

Ce sont les importations massives en provenance de Chine qui ont sonné, dans les années 1980, la fin de cet âge d’or. Dans son atelier ouvert en 1977, Jean-Pierre Errecart s’est attaché à préserver ce savoir-faire avec des machines conçues et adaptées par les fabricants mauléonais. Comme le centenaire métier à tresser le jute qui trône au milieu de la pièce, et dont il se sert pour façonner la semelle de corde. Les dernières filatures locales ayant fermé en 1975, le jute est dorénavant importé du Bangladesh, où il pousse abondamment. Le nombre de fils, entre dix et vingt-sept, déterminera l’épaisseur de la semelle. La tresse ainsi obtenue est ensuite écrasée, enroulée, moulée puis cousue à la machine. Une couche de caoutchouc, dorénavant fondue sur la face inférieure de la semelle, garantit la solidité et le confort qui manquaient aux anciennes sandales de corde. L’empeigne est, elle, découpée avec des emporte-pièce dans de la toile épaisse ou du cuir. Les deux parties de l’espadrille sont assemblées à la machine ou cousues à la main, selon les modèles.

Les dernières couseuses

Si, de nos jours, la confection à la machine a pris le relais, il reste néanmoins quelques couseuses à domicile à Mauléon. À 75 ans, Éliette Amestoy est l’une des dernières à exercer ce métier. Une activité qu’elle pratique depuis cinquante ans dans sa maison de Gareindin, à quelques kilomètres de l’atelier. Elle s’aide d’un dé intégré dans un gant pour pousser son aiguille dans la toile épaisse. Il ne faut pas moins de cent sept points de feston réguliers pour coudre l’empeigne à la semelle, au rythme de deux paires de l’heure. Avec l’âge, la vieille dame, dont les gestes s’enchaînent sans qu’elle ait à regarder son ouvrage, reconnaît pourtant avoir quelque peu diminué sa cadence !

  1. Sur ce métier à tresser le jute centenaire, le principe n’a pas changé. De 10 à 27 fils peuvent être tressés, pour obtenir une semelle plus ou moins épaisse.
  2. Le jute, indispensable matière première, n’est plus produit localement depuis 1975. Il est désormais importé du Bangladesh.
  3. Jean-Pierre a ouvert son atelier de fabrication d’espadrilles vers la fin des années 1970 et préserve le savoir-faire mauléonais.
  4. Pour réaliser la semelle de jute, la tresse est enroulée à l’aide d’une mouleuse. La corde y est accrochée et effectue un nombre de tours déterminé autour de deux axes, dont l’écartement détermine la pointure de la semelle.
  5. La couture de la semelle s’effectue à la machine à l’aide d’un épais et solide fil de coton.
  6. La toile et la semelle sont cousues ensemble avec un joli point de feston régulier.