Farouchement maritime et solidement normand, le Cotentin cultive le paradoxe. Une presqu’île sereine et sauvage.

La carte de France présente une curieuse excroissance qui prend son élan au cœur du bocage normand pour se porter vigoureusement à l’assaut des flots. À bien y regarder, ses contours évoquent la tête d’un chat scrutant les côtes britanniques. Caressé par les courants chauds du Gulf Stream, ce matou placide qu’est le Cotentin garde jalousement ses trésors. C’est à une promenade vers la pointe nord de la Manche que nous vous invitons, entre prés, landes, marais, côtes sauvages, falaises et détours historiques. Presqu’île balayée par des vents qui rincent ces ciels, cette vaste prairie terminée par la mer se révèle une terre propice à l’élevage… et à la contemplation. En effet, outre sa lumière qui rappelle celles d’Irlande ou d’Écosse, un des charmes du Cotentin est d’offrir une nature encore préservée, et un horizon où le regard porte loin.

Porte des Amériques

Les amateurs de vieilles pierres réserveront le temps qu’il convient à la visite des trois cités du « Clos du Cotentin » que sont l’ancien village gaulois de Valognes, dit le Petit Versailles normand, Bricquebec, l’ancienne Viking, et Saint-Sauveur-le-Vicomte. Ancien camp romain devenu port militaire en 1783, selon le bon vouloir de Louis XVI, Cherbourg s’est illustré au xixe siècle pour avoir construit la rade artificielle la plus vaste du monde. Ses 1 500 hectares abritent la ville et ses activités portuaires dont le transport de passagers vers le Nouveau Monde. Escale maritime transatlantique, Cherbourg a ainsi accueilli, le 10 avril 1912, le Titanic au tragique destin. La Cité de la Mer située dans l’ancienne gare maritime construite en 1933 dans le style Art déco a ouvert récemment un espace qui en retrace l’émouvante histoire. Aussi bouleversante sera la visite de l’un ou l’autre site retraçant la Seconde guerre mondiale, comme le musée du Débarquement d’Utah Beach ou celui d’Airborne à Sainte-Mère-Église. Immortalisé par le film Le Jour le plus long, ce village est devenu célèbre le 5 juin 1944 quand les premiers parachutistes américains sont tombés sur la commune et… son clocher.

Côté nature, ce bout du bout de la Manche réserve quelques belles surprises. Il est devenu un paradis horticole grâce aux explorateurs débarquant à Cherbourg avec des essences exotiques. Elles s’acclimatèrent parfaitement sur cette terre où le gel est inconnu et où humidité et ensoleillement se révèlent propices : palmiers et bananiers côtoient dans une mixité très œcuménique azalées, rhododendrons et roses trémières. Parmi les nombreux parcs, souvent aménagés à la française ou à l’anglaise, signalons celui du château de Vauville, avec plus de 900 espèces de l’hémisphère austral, le parc de Martinvast, celui des Marais du Cotentin et du Bessin inscrit dans un paysage de polders parsemés de tourbières et le charmant jardin dédié à Jacques Prévert.

Entre terre et mer

À la pointe est, Barfleur, un des plus beaux villages de France, est également célèbre pour ses moules blondes, homards et autres crustacés. Quant au climat de la région, il est si doux que le bétail peut rester au pré neuf mois sur douze. Rien d’étonnant si le camembert fermier y a un goût à nul autre pareil et si la culture des primeurs a trouvé sur cette zone côtière, une terre d’élection. En poussant vers la Hague qui déroule 80 kilomètres de sentier douanier, vous croiserez peut-être le roussin, une race de moutons endémique qui a fait la réputation gastronomique de la région au même titre que les huîtres de Saint-Vaast. Si le nez de Jobourg est le but de votre randonnée, votre progression sera ponctuée de villages fleuris, criques discrètes, ports miniatures comme Racine, le plus petit de France, sans oublier landes de bruyère, murets séculaires et haies touffues et odorantes. Après avoir rempli vos poumons d’un grand bol d’air marin vivifiant, vous vous promettrez de ne révéler l’existence de ce coin encore vierge de tourisme de masse qu’à vos bons amis. Dont les lecteurs d’Esprit d’Ici.

Je m’abonne au magazine Esprit d’Ici

  1. Les panoramas et les sentiers côtiers du cap de la Hague invitent aux balades contemplatives.
  2. Face au phare de Goury, les troupeaux paissent tranquillement dans un paysage de bocage préservé.
  3. Le village de Barfleur arbore ses maisons typiques aux façades fleuries.
  4. Dans l’exotique jardin botanique de Vauville, les bambous et les palmiers cohabitent avec les cyprès et les amaryllis.
  5. La douceur du climat de la presqu’île de la Hague permet aux hortensias de s’épanouir. Ils y côtoient parfois palmiers et figuiers.
  6. La longue plage de l’Anse de Vauville s’étend sur plus de 10 km, entre le cap de Flamanville et le nez de Jobourg, pour le plus grand plaisir des amateurs de sports nautiques.