Naïves et colorées, les images d’Épinal affichent un charme suranné. Ces estampes délicates restent le fleuron d’un artisanat préservé.

Devinettes, abécédaires, planches de contes, ces pièces de collection témoignent d’un âge où l’image n’était pas photographique et encore moins numérique. Ou seul le dessin racontait la vie quotidienne et les grands événements. Comme le rappelle Claire Barcik, qui accompagne les quelque 200 000 visiteurs du musée de l’Image, à Épinal, chaque année, ces images étaient à l’époque un vrai média, à but ludique, pédagogique ou religieux. Ces images étaient vendues dans les villages par des colporteurs, qui les transportaient dans de grandes hottes. La tradition de l’imagerie n’est pas née à Épinal, mais seule l’institution vosgienne subsiste en France et même en Europe. Et elle est toujours en activité.

Un ballet de gestes précis et l’émotionde voir apparaître l’image en couleurs.

C’est en 1796 que Jean-Charles Pellerin, maître cartier-dominotier de son état, crée son imagerie à Épinal. Il fabrique alors des cartes à jouer et des images pieuses. Mais il va progressivement délaisser ces activités pour s’intéresser aux grandes planches illustrant des événements populaires. À l’origine, les images sont obtenues à partir d’une matrice en bois gravé. Celle-ci sera plus tard remplacée par un modèle en alliage de métaux, plus durable dans le temps. L’image est imprimée à l’aide d’une presse activée à la force des bras – ce qui valait aux ouvriers qui l’actionnaient le surnom d’ours. L’apparition de la lithographie, en 1850, va libérer le tracé des artistes, qui peuvent créer des motifs plus fins sur la pierre, et permettre le développement de l’imagerie enfantine (notamment les illustrations des livres de contes) et des prospectus publicitaires. Gravées, les reproductions sont ensuite colorisées au pochoir – un par couleur – à l’aide de grosses brosses rondes. L’aquatype permettra par la suite de mécaniser cette étape. La fabrication reste cependant artisanale. Ce qui fait toujours le charme et la valeur de l’imagerie d’Épinal. Pourtant celle-ci a bien failli disparaître. Le développement des médias après la Première Guerre mondiale a amorcé son long déclin qui s’est soldé par un dépôt de bilan en 1984. Fort heureusement, cinq jeunes chefs d’entreprise vosgiens ont volé au secours de ce fleuron local. Désormais, les machines sont classées monuments historiques, protégées de manière immuable dans les locaux qu’elles occupent depuis plus d’une centaine d’années. Ils abritent aujourd’hui un musée, mais l’Imagerie d’Épinal, toujours active, continue à produire des images anciennes et contemporaines, grâce à la collaboration d’une vingtaine d’artistes.

  1. L’impressionnante presse Gutemberg.
  2. Le stéréotype est encré au rouleau.
  3. Chat botté.
  4. Les moulages en alliage de plomb, réalisées à partir des bois gravés, ont permis de produire des stéréotypes en plus grande quantité.
  5. De l’encrage à l’impression, le procédé reste artisanal comme certains outils !
  6. Pour l’impression en lithographie, la pierre gravée est d’abord humidifiée.
  7. Le pochoir est une caractéristique de l’imagerie qui a conservé cette technique artisanale.
  8. Les grosses brosses rondes sont légèrement imprégnées de la couleur en quelques gestes sûrs.
  9. Puis appliquées à la main sur l’image imprimée au noir.
  10. La coloriste va faire vibrer les couleurs sur les planches. Fixées une à une au pochoir, elles donneront la teinte unique qui fait le charme des images d’Épinal.
  11. Les premiers albums et les bandes dessinées ! L’univers des enfants est rapidement devenu une cible privilégiée.
  12. Dans la cave aux presses, le musée conserve une incroyable collection de quelque 6000 pierres gravées.