Au cœur du val de Creuse, un patchwork de clos intimistes empreints de charme et de poésie.

Nous sommes dans la Creuse, bien loin de Brocéliande, et pourtant… l’atmosphère très particulière de ce jardin invite à s’abandonner à la magie des contes et des légendes. L’envie est forte, irraisonnée, de s’asseoir – par exemple, là, sur ce trône en bois ourlé de perles de verre – pour se laisser emporter par une histoire. Pourquoi pas celle du propriétaire des lieux ? Christian Allaert, bourlingueur au long cours, cherchait un refuge pour y poser son sac à dos entre deux tours du monde.

L’alliance des sens

Aimanté ici, aux confins de la Marche limousine et du Berry, par la présence de plusieurs amis, il s’est installé dans une ancienne forge quelque peu abandonnée. « Dès le premier contact, j’ai été séduit par le calme, l’intimité de la maisonnette, l’odeur de foin – c’était en été – et le chant des grillons. J’ai posé un genou à terre et j’ai attendu… un message, bienveillant, qui m’est venu. » Le côté sauvage, les reliefs du paysage et les chemins creux ont inspiré le projet de jardin. Christian a conservé les parcelles closes et les vieux murs de pierres sèches, profitant de cette structure pour créer des petits jardins aux atmosphères différentes : le clos de la forge, la friche organisée, le jardin du carré d’eau ou celui des vivaces, surnommé « jardin du clos de la reine ». À chaque clos ses bruits et ses odeurs, perceptibles avec une plus grande acuité à l’aube et au crépuscule. « Au bruissement des insectes se mêle le glouglou des fontaines, le vent dans le feuillage ou le ronflement rassurant d’un tracteur rappelant une civilisation pas si lointaine. Le chant flûté du timide loriot jaune et noir me ravit par-dessus tout. Quant aux senteurs… En avril, la terre qui se réveille exhale un parfum musqué ; en juillet, les fleurs de châtaignier embaument et en automne, l’odeur d’humus et de champignons prend le dessus. Mais j’allais oublier l’impatiente de l’Himalaya, une invasive au délicieux parfum de… frites (je viens du Nord et j’y suis sensible !), qui s’exprime jusqu’en septembre. »

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Un air de liberté bien composé

Christian, guide conférencier, s’absente régulièrement de son jardin. Ce dernier lui en tient-il rigueur ? « Un peu ! répond en riant notre globe-trotteur. Quand je rentre après six semaines d’absence, je le découvre transfiguré, comme s’il n’était plus mien. Pendant un jour, volontairement, je ne touche à rien, je le contemple. Il a vécu sa vie tout seul. Les adventices ont poussé, les pétasites géants ont déployé avec exubérance leurs larges feuilles. Il y a un côté forêt vierge. J’aime ce moment émouvant de retrouvailles même si je sais que m’attendent ensuite des jours entiers de taille, avec quantité de passages à rouvrir. Des difficultés, oui, il y en a forcément mais je parviens à les surmonter car j’ai un but. Le labeur ingrat est une activité nécessaire à la transformation. C’est comme en cuisine, il faut passer par l’épluchage des patates pour savourer ensuite un bon pâté de pommes de terre. J’ai la chance d’aller au bout et de voir le résultat. » Les sublimes jardins italiens, andalous ou chinois qu’il fait visiter lui inspirent-ils des aménagements ? « Oui et non, pas question de faire du copier-coller, mais j’avoue être influencé par des ambiances, de manière intuitive, non réfléchie. Le théâtre de verdure par exemple, avec sa fontaine et son « pipi » d’eau, m’évoque les « roucoulis » du jardin de la villa d’Este, près de Rome. » Comment vit-il sa passion des jardins ? « Mes émotions sont liées à l’évolution des plantes mais elles sont aussi humaines. Un bel échange que j’ai eu dernièrement avec un stagiaire a donné un sens supplémentaire au jardin. »

  1. Dans le salon de plein air, des fauteuils en osier invitent à la détente et à la contemplation.
  2. Les rocking-chairs en osier, chinés dans une brocante, invitent au repos avec un naturel nonchalant.
  3. La vieille passerelle en piquets de châtaignier et planches d’acacia semble faire le lien entre deux univers et offrir un nouveau voyage végétal.
  4. Franck Coubard, un talentueux stagiaire, a réalisé ce personnage avec des branchages de récup’.
  5. De minuscules pots de terre cuite couronnent les piquets d’un plessis mis en place par Christian.
  6. Un bégonia dragon en pot veille sur le bassin carré.
  7. La musique de l’eau est une constante du lieu, en témoigne le léger murmure qui entraîne le visiteur vers le jardin du carré d’eau.
  1. Une allée de granit moussue louvoie entre fougère, palissades et massifs de buis taillés.
  2. Un lierre et hortensia grimpant se disputent le privilège d’escalader ses vieux murs de pierre.
  3. L’ancienne forge du taillandier se dessine au détour du clos, drapée d’un manteau de verdure.
  4. Havre de fraîcheur, le bassin du théâtre de verdure est surnommé « fontaine au dauphin ».
  5. Le jardin se complète d’un potager travaillé en permaculture, dans le respect de l’écosystème, où cohabitent fleurs, légumes et plantes locales.
  6. De curieux visiteurs s’incrustent chaque automne sur de vieilles souches hospitalières, profitant en colonies de l’humidité du sous-bois.
  7. Floraison en petites grappes d’un Aralia elata.
  8. Un Hydrangea paniculata s’épanouit dans le sous-bois, à la lisière du jardin.