Au cœur du Périgord vert, une des dernières coutelleries françaises perpétue une belle tradition du couteau entièrement fait main.

La Coutellerie nontronnaise se tient dans un énorme cube aveugle comme s’il fallait protéger un secret des regards indiscrets. Le ciel de Dordogne miroite dans le cube, ceint d’un muret de pierres sèches alliant architecturalement le passé et le présent avec élégance. Cette harmonie reflète bien l’allure des couteaux de Nontron, qu’ils soient traditionnels ou revisités par des designers contemporains. La présence de minerai de fer, d’eau et, pour la confection des manches, d’immenses forêts, a favorisé le développement de cette activité dans la région. Le Périgord vert comptait autrefois une quarantaine de coutelleries dont huit à Nontron même. Mais la dernière forge ayant fermé en 1923, les coutelleries ont emboîté le pas. La Coutellerie nontronnaise a réussi à maintenir son activité en faisant forger son acier à Thiers dans le Puy-de-Dôme. Dès 1928, l’entreprise reste la seule de Nontron à poursuivre la fabrication de couteaux.

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Chaque coutelier façonne un produit unique

À l’origine, le manche du couteau de Nontron est fabriqué avec du bois de buis. À la fois doux mais dense et sans aspérité, il se patine bien avec les années. Après avoir séché pendant quatre ans à l’air libre, les morceaux de bois sont sculptés et polis pour donner ce toucher si agréable dans la paume. Seul le polissage manuel assure cette douceur, les couteaux n’étant pas vernis. Pas moins d’une quarantaine d’opérations sont nécessaires à l’élaboration finale du couteau. Le coutelier le façonne et l’assemble entièrement, du manche à la lame. « Chez nous, il y a toujours un homme qui tient un couteau », s’amuse Claudine Faye, responsable commerciale. La lame est en acier forgé, c’est-à-dire écrasée au marteau et non découpée dans une plaque préexistante. Aujourd’hui, fabriquée en acier carbone associé à du chrome, elle ne rouille pas.

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Une tradition qui évolue avec son temps

Quelques puristes commandent encore des lames en acier pur. Elles s’affûtent mieux. Autre particularité du Nontron : la virole bloquante en laiton qui permet de fixer la lame lorsque le couteau est ouvert – c’est à l’origine un couteau de poche. Un système de blocage qui existe depuis le XVIIe siècle. À l’époque de la Révolution, le manche en buis est décoré de petits motifs par pyrogravure afin de distinguer le Nontron des autres produits concurrents. Cette décoration, dont la signification se perd dans la nuit des temps, signe depuis cette époque l’identité des couteaux, reconnaissables entre tous. À partir de la fin du xixe siècle, l’ébène fait son apparition à Nontron avec le développement des colonies. Il est à nouveau utilisé aujourd’hui par les designers qui revisitent l’allure du Nontron traditionnel. Sans jamais oublier l’essence première de ce joyau de notre artisanat, sans aucun doute le plus vieux couteau de France.

  1. Les branches de buis sèchent sur place pendant au moins quatre ans à l’air libre.
  2. Le buis blond est usiné et tourné, puis l’ébauche de manche est rectifiée à la main.
  3. La mise en forme de la virole est une phase importante de la fabrication.
  4. La virole tournante, une spécialité du couteau fermant de Nontron, à l’origine un couteau de poche.
  5. Les points et la mouche sont gravées au fer sur les modèles en buis.
  6. Chaque coutelier fait de chaque couteau une pièce unique en le fabriquant de A à Z, du façonnage au polissage en passant par l’assemblage de la lame.