Les filaments de safran sont issus d’une fleur d’un mauve soyeux qui a trouvé dans le Quercy une terre de renaissance.

Texte Patricia Marini. Photos Marie-José Jarry.

C’est au cours des mois d’octobre et de novembre que se ramasse le Crocus sativus, qui cache en son sein les précieux filaments, d’un rouge intense, utilisés depuis des siècles pour leurs propriétés tinctoriales, leurs vertus cosmétiques et médicinales. Réveillées par les pluies et le soleil d’automne, ces délicates corolles mauves révèlent leurs trésors. Geneviève et Roland Pezet, safraniers dans le Quercy, vont vivre pendant trois semaines au rythme des éclosions, récoltant à la main, chaque matin, quelques milliers de ces fleurs fragiles. Puis, avec une patience infinie, ils les émonderont, en saisissant délicatement entre leurs doigts les trois filaments rouges rattachés à l’enveloppe florale. Une opération qui ne peut attendre. Réalisée immédiatement après la cueillette, cette étape peut réclamer des heures de travail. C’est d’ailleurs l’occasion dans certains villages de se réunir entre voisins et de retrouver l’ambiance des veillées d’antan. Séchés dans un four traditionnel, les stigmates sont conditionnés, entiers et purs, dans des pots en verre avant d’être conservés à l’abri de l’air et de la lumière pendant un à deux ans. Voilà pourquoi cette épice chère et rare, qui a besoin de temps pour exprimer toutes ses qualités, mérite amplement son surnom « d’or rouge ». Ingrédient culinaire, il relevait au Moyen Âge le mourtaïrol, sorte de pot-au-feu, spécialité du Quercy et du Rouergue servie lors des grandes occasions. Les charcutiers en assaisonnaient également les plats à base de tripes et de pieds de porc. Jusqu’au xviiie siècle, la moitié du safran français était produite dans le Quercy et l’Albigeois. Sa culture a brutalement disparu après la Révolution française. Ce n’est que dans les années 2000 que les safranières ont repris vie grâce à l’initiative de passionnés comme Geneviève et Roland Pezet.

  1. Le safran est une plante à végétation inversée : après une pause estivale, les fleurs s’épanouissent en automne.
  2. Les stigmates sont détachés de l’enveloppe florale à la main ou coupés aux ciseaux. Une personne expérimentée peut émonder jusqu’à 125 g de safran frais en 1 h.
  3. Le safran se marie avec bonheur aux confitures de fruits.