Rien de plus exotique que de partir de chez soi skis aux pieds pour parcourir les paysages familiers de l’Auvergne. Récit d’expédition de Paul-André Coumes.

Le privilège d’habiter un village de moyenne montagne m’a donné, un jour, l’envie de partir à la découverte de toute l’Auvergne, chaussé de mes skis de randonnée nordique. Les reliefs doux de ces montagnes volcaniques rabotées par l’érosion en font un terrain idéal pour cette pratique discrète et respectueuse de la nature. J’ai commencé autour de chez moi puis, aiguillonné par un désir d’évasion, j’ai poursuivi sur ces massifs auvergnats qui deviennent, chaque hiver, de vastes îles blanches dominant les plaines restées brunes et parfois noyées dans le brouillard.


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Partir en randonnée d’hiver en Auvergne

Ces randonnées nordiques sont pour moi une source d’émerveillement et de dépaysement. Un dépaysement de proximité, disponible dans l’instant, en partant de chez moi ou, poussant un peu plus loin, à deux heures de route au maximum. Autour d’Échandelys, mon village du Haut-Livradois, l’homme a marqué son empreinte en plantant des forêts de résineux. J’en ai fait ma taïga que je sillonne les jours venteux, à l’abri des hautes futaies. Dans ces cathédrales végétales, la neige s’amasse vite et tient parfois jusqu’en mars. Le blanc manteau immaculé ne le reste pas très longtemps. Quelques jours après une grosse chute, la vie sauvage s’y dévoile comme sur un parchemin. Les traces en Y du lièvre se reconnaissent aussi bien que celles des fins sabots du chevreuil. Les quelques ouvertures offrent des vues de toute beauté sur la chaîne des Puys, le massif du Sancy jusqu’au Plomb du Cantal. Si l’envie me prend de voir les Alpes, il me suffit de parcourir les crêtes du Forez qui surplombent le bassin d’Ambert. Là-haut, par beau temps, mes skis glissent en égrenant les jasseries, ces fermes d’altitude où l’on fabriquait jadis la célèbre fourme. Entre le col des Supeyres et Pierre-sur-Haute, point culminant du Forez avec ses 1634 mètres, les traces de mes skis croisent celles des snowkiters tractés par leurs ailes. Une ascension rapide sur la montagne de Monthiallier est synonyme de panoramas aux superlatifs infinis. Les Alpes et les volcans d’Auvergne émergent de part et d’autre d’un océan de brume cotonneuse et mouvante.

  1. Des étendues rendues encore plus sauvages quand le vent balaie la couche de neige superficielle. L’ambiance nordique, sur les monts du Forez, ce n’est pas une légende.
  2. Sur les pentes des monts du Forez, il n’est pas rare de longer une jasserie recouverte de neige, un de ces abris d’altitude de la région où les bergers fabriquaient la fourme.
  3. Les petits moments de bonheur pour le skieur, lorsque le soleil en contre-jour crée une lumière féerique dans un bois de pins du Haut-Livradois.

L’Auvergne: bivouac avec vue

Comme il est souvent difficile de quitter ces lieux d’exception, autant prolonger le plaisir avec une nuit sous la tente. L’exotisme boréal n’en est que plus fort ! Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, en hiver, il fait souvent plus chaud en altitude qu’en plaine. Un bon duvet en plumes demeure indispensable pour profiter pleinement du spectacle de la voûte étoilée. Les aurores boréales en moins, l’Auvergne n’a rien à envier, dans ces moments-là, au Grand Nord canadien ou à la Scandinavie. Justement ! Alors que je skiais dans la chaîne des Puys avec une pulka, transportant mon équipement de bivouac, un promeneur me demanda si je préparais une expédition. Je terminais une randonnée de trois jours durant laquelle je tractais, éreinté, mon lourd chargement dans une neige molle et collante. Je n’ai pas osé lui répondre que j’étais justement en pleine expédition. Nous étions à quinze minutes de Clermont-Ferrand… Les expéditions sont-elles forcément lointaines ?

  1. Gervais Martin, accompagnateur en montagne, émerge de l’océan de brume avce sa pulka sur les pentes du mont Chamaroux.
  2. Au milieu de l’hiver, les chevreuils mâles sont dépourvus de leurs bois.
  3. Un renard roux vient de trouver un campagnol terrestre. Grâce à son ouie très fine, il les repère lors de leurs déplacements sus la couche de neige.

Les photos sont extraites du livre L’Auvergne à ski, de Paul-André Coumes. Éditions du Rouergue (2013), 29€


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